« Le plus important chez les ados, c’est le cadre »
« Ils ont tellement besoin de cadre »
« Il faut leur mettre des limites sinon ils sont perdus »
J’ai entendu ce genre d’idée plus d’un millier de fois, pourtant cela ne sonne pas juste pour moi.
Sur ce sujet je rejoins Catherine Dumonteil-Kremer (consultante familiale et éducatrice Montessori), pour qui le lien est à favoriser par rapport au cadre.
Le hors série n°9 de Kaisen (voir le lien en fin d’article) lui consacre une interview sur ce thème, et cela m’a donné envie d’aborder ce sujet avec vous, sous deux axes différents:
1: poser le cadre au détriment du lien
2: poser le cadre à partir du lien
Et voici la réflexion qui me vient:
pour ces deux manières de poser le cadre, quelles sont les conséquences auxquelles on peut s’attendre…?
- Poser le cadre au détriment du lien
« Les adolescents sont environ 85% du temps sans leurs parents. Comment dès lors vérifier cette limite? A quoi bon dire « Ne fume pas, ne bois pas », alors que, dès que les parents auront le dos tourné, ils passeront à l’acte? » interroge Catherine Dumonteil-Kremer.
Une limite posée sans négociation, sans écoute des besoins des uns et des autres, n’a pas de sens pour l’adolescent. Il peut facilement l’interpréter comme une volonté de la part de ses parents de l’empêcher de vivre sa vie et d’être heureux. La réaction à laquelle on peut s’attendre est une transgression non assumée.
Je m’explique: Si le parent dit à son ado: « Je sais que les personnes que tu voudrais retrouver à cette soirée fument du shit. Je ne veux pas que tu fréquentes ces jeunes-là. Tu ne sors pas ce soir un point c’est tout. » il n’exprime pas clairement ses besoins, et n’écoute pas ceux de son ado. Des besoins non écoutés finissent par prendre toute la place. En l’occurrence, chez l’ado, le besoin de reconnaissance et le besoin de liberté ne sont pas pris en compte.
-Reconnaissance, parce que le fait de juger ses amis (« ces jeunes-là ») revient à le juger lui-même.
-Liberté, parce que l’empêcher de sortir représente une fermeture, un obstacle à ses choix.
Du moment que ses besoins ne sont pas reconnus et pris en compte par cette décision, l’adolescent risque de se sentir révolté, et plus la position de l’adulte se durcira, plus la rébellion et le désir de transgression de l’ado grandiront.
Et s’il sort du cadre posé par l’adulte, ce sera motivé par une réaction à l’interdiction. « Non mais ça va pas se passer comme ça. Puisque c’est comme ça… attends un peu que tout le monde dorme, et tu vas voir si je peux pas faire ma vie comme je l’entends. Et je vais bien me défouler. Tu l’auras voulu! »
C’est en cela que je parle de transgression non assumée: l’ado agit par vengeance et il rend l’adulte responsable de sa transgression.
Une eau vive contenue par un barrage va se ruer sur la moindre faille, et devenir furieuse et incontrôlable une fois sortie. De la même manière, un cadre posé sans l’assentiment d’un ado va propulser ce dernier en dehors du cadre d’une manière violente et incontrôlable.
Et si le cadre devient une prison hermétique, si par exemple je me relève la nuit pour vérifier que mon enfant est bien à la maison, je ferme à clé, je surveille ses SMS, etc… à ce moment-là, la violence ressentie par mon ado risque de se retourner contre lui-même.
Quand je pense aux conséquences que cela peut avoir de vouloir absolument contrôler la vie de mon ado, je préfère de loin lui faire confiance. Même si parfois cela n’est pas confortable.
- Poser le cadre à partir du lien.
« Il faut par principe dire oui et discuter. L’adolescence est l’âge du lien » dit Catherine Dumonteil-Kremer.
Dire oui, cela signifie faire confiance à son enfant, et lui faire prendre conscience qu’il est responsable de ses choix.
Une eau qui circule sans barrage est calme et peut prendre le temps de choisir sa trajectoire en conscience.
Discuter permet d’écouter les besoins que l’ado cherche à satisfaire, et lui exprimer les nôtres.
Dans l’exemple cité plus haut, on pourrait se relier aux besoins de l’ado en le questionnant: « Dis-moi, ça représente quoi pour toi, cette soirée? Qu’est-ce que tu as envie de vivre en fait? », puis en exprimant ses propres sentiments et besoins: « Je sais que certains de tes amis ont pris l’habitude de fumer du shit. Je suis inquiète. Je tiens à toi et j’aimerais être rassurée que tu prends soin de toi. Est-ce que tu es prêt à prendre l’engagement de ne pas y toucher pendant cette soirée? »
-Il est possible que notre ado dise oui, et qu’ensuite il fasse le choix de ne pas respecter son engagement. Dans ce cas, il le fera non pas par révolte, mais suite à une délibération avec lui-même. En lien avec lui et avec la conscience de ses responsabilités.
-Il est possible aussi que notre ado dise non, et qu’il nous propose un autre moyen de nous rassurer.
-Et bien sûr, il est probable que notre ado dise oui, et qu’il respecte son engagement!
Dans tous les cas, notre responsabilité à nous, c’est de garder le lien avec lui, jour après jour, en écoutant ses besoins, et en lui exprimant les nôtres. Il est important aussi de mettre à sa disposition les informations qui l’aideront à faire ses choix en conscience.
Faire confiance et privilégier le lien contribue à ce que notre ado fasse ses choix à partir de ses repères intérieurs, et à ce qu’il accepte d’en assumer les conséquences, à ce qu’il se fasse davantage confiance, à ce qu’il accepte d’assumer lui-même le et à ce qu’il nous demande du soutien en cas de besoin.
Les adolescents sont tous différents, et l’âge est aussi un facteur important. C’est à chaque parent de sentir à quel moment le cadre est à faire passer en arrière plan par rapport au lien, en fonction de sa propre expérience, et de la relation qu’il vit avec son ado.
Si vous êtes parent d’ado, ou si vous êtes ado, n’hésitez pas à partager votre avis et votre expérience en commentaire!
Au plaisir,
La Fannette