être bienveillant sans être complaisant

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Ces derniers temps, j’ai entendu à plusieurs reprises des conversations qui me font penser que le mot « bienveillance » commence à être galvaudé.

Par exemple, une maman se plaignait que la maîtresse de son fils brandissait à tout bout de champ le mot « bienveillance », et que jamais elle ne sévissait envers les enfants qui ne respectaient pas les règles.  Et son interlocutrice de renchérir que cette histoire de bienveillance commençait à lui sortir par les yeux.

Cette bribe de conversation saisie au vol dans une file d’attente m’a mis la puce à l’oreille. Il est vrai que le mot « bienveillance » commence à être à la mode, et comme tout ce qui est à la mode, il est menacé d’usure, de déformation, voire de contrefaçon!

Comme vous pourrez le lire dans cet article très intéressant qui nous donne un éclairage sur l’étymologie et le sens profond de ce mot, il signifie « vouloir le bien ». Je trouve important de le différencier du terme « complaisance », qui signifie « action de s’accommoder au goût, au sentiment de quelqu’un pour lui plaire ».

J’ai à cœur de contribuer à redonner à cette notion de bienveillance toute sa légitimité, c’est pourquoi je vous propose d’explorer cette différence entre bienveillance et complaisance sous différents axes.

1- L’intention

  • Comme leurs définitions le soulignent, l’intention sous-jacente à la bienveillance est désintéressée. Il n’y a pas de « pour », « dans le but de ». Alors que la complaisance suppose que nous soyons tournés vers le résultat, qui est de plaire à l’autre.

 

  • Finalement, la bienveillance émane d’une part ancrée et stable de moi-même, et la complaisance peut jaillir d’une part blessée, qui cherche à l’extérieur de quoi se rassurer.

 

2- Les actes

  • La complaisance ne tolère pas le « non » ni quelque rappel à l’ordre que ce soit. L’autre aura toujours des excuses pour faire ce qu’il fait, même s’il piétine mes limites sans vergogne.

 

  • La bienveillance n’exclut pas la notion de limites, car elle s’applique avec justesse à l’autre comme à moi-même. Je peux dire « non » avec bienveillance, en affirmant à quels besoins je dis « oui » en posant ma limite. (Sur ce sujet vous pouvez lire cet article)

 

  • En quoi serais-je bienveillante si par exemple je permets à mon enfant de dessiner sur mon agenda (précieux rien qu’à moi que j’ai choisi avec tant de soin dans l’idée de le réserver à mon usage exclusif), en me disant « bah, c’est pas bien grave, je m’en achèterai un autre… » ? Certes, mon enfant sera peut-être ravi, mais mon enfant intérieur, lui, risque d’être quelque peu frustré (et de le faire payer à mon enfant, l’autre, extérieur, un jour ou l’autre!)

 

3- Les conséquences

 

  • Quand je suis dans la complaisance, dans le but de satisfaire une part blessée de moi (celle qui a besoin d’être rassurée qu’on l’aime, et qui pour cela va toujours donner la priorité à l’autre), je privilégie les besoins de mon interlocuteur, et donc finalement je frustre une autre part de moi qui n’est pas prise en considération.

 

  • De plus, la part de moi qui a tant besoin d’amour, à force d’agir avec complaisance, finira parfois par s’attirer le mépris plutôt que l’affection, et son attitude ouvrira la porte à la manipulation. On dira d’elle « De toutes façons, j’en fais ce que j’en veux ».

 

Voilà pour ce qui est des conséquences pour moi-même.

 

Mais la complaisance a un impact sur l’autre, sur la personne à qui je donne tout pouvoir sur moi.

 

  • Cette personne aura avec moi une illusion de toute puissance, elle ne se heurtera à aucun cadre, et s’il s’agit de mon enfant, elle risque de manquer justement de cette structure encadrante que représentent les limites de son parent.

 

  • Parfois, quand je n’écoute pas mes limites pendant un certain temps, je risque d’accumuler tellement de frustration que je basculerai dans la rancœur.

 

J’ai d’ailleurs un exemple tout frais: Récemment, les professeurs du lycée d’une jeune fille de ma connaissance (appelons-la Jeanne) ont proposé une journée de révisions pour le bac. Jeanne, après avoir assisté en touriste aux cours (et sans doute bavardé) pendant toute l’année, s’est présentée à la journée de révisions. Là, une professeure, qui pourtant ne lui avait jamais fait aucun reproche, lui a crié qu’elle refusait de l’aider à réviser, qu’elle n’avait pas sa place dans sa séance de révisions, etc, etc. Cette professeure devait être pleine de rancune, à force de prendre sur elle sans jamais poser ses limites. Si elle avait sévi plus tôt (et avec bienveillance, oui, c’est possible), cela lui aurait évité de sortir de ses gonds, à un moment où Jeanne était réceptive pour apprendre.

 

  • Ou bien, si je dis toujours « oui » même si mon inconscient dit « non », je peux stimuler chez mon entourage des réticences à me faire des demandes (« elle n’osera pas me dire si elle n’est pas dispo… elle va encore se plier en quatre et me le reprocher après… »)

 

  • La bienveillance quant à elle est rassurante pour tout le monde. Si mon entourage est habitué à ce que je réponde avec sincérité et justesse, on n’hésitera pas à me faire des demandes. Si je pose mes limites clairement, personne ne viendra me pousser à bout.

 

Je reviens à la professeure de Jeanne. Elle aurait pu, dès les premiers agacements, convoquer Jeanne en fin de cours pour lui exprimer ses besoins. « Cela me dérange de vous entendre bavarder pendant le cours. Et j’imagine que cela dérange aussi les autres élèves. J’aime travailler dans le calme. Aussi je vous demande à l’avenir d’attendre la récréation pour échanger avec vos amies. Je peux compter sur vous? »

 

En conclusion, la bienveillance contribue à me relier à moi et à l’autre, la complaisance contribue à me séparer de mes besoins et des besoins de l’autre.

 

Si vous souhaitez réagir à cet article, avec bienveillance et sans complaisance, n’hésitez pas à laisser un commentaire.

à bientôt

La Fannette

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