juil 9, 2017 - parentalité    2 Comments

Adolescents: comment poser le cadre?

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« Le plus important chez les ados, c’est le cadre »

« Ils ont tellement besoin de cadre »

« Il faut leur mettre des limites sinon ils sont perdus »

J’ai entendu ce genre d’idée plus d’un millier de fois, pourtant cela ne sonne pas juste pour moi.

Sur ce sujet je rejoins Catherine Dumonteil-Kremer (consultante familiale et éducatrice Montessori), pour qui le lien est à favoriser par rapport au cadre.

Le hors série n°9 de Kaisen (voir le lien en fin d’article) lui consacre une interview sur ce thème, et cela m’a donné envie d’aborder ce sujet avec vous, sous deux axes différents:

1: poser le cadre au détriment du lien

2: poser le cadre à partir du lien

Et voici la réflexion qui me vient:

pour ces deux manières de poser le cadre, quelles sont les conséquences auxquelles on peut s’attendre…?

  • Poser le cadre au détriment du lien

 

« Les adolescents sont environ 85% du temps sans leurs parents. Comment dès lors vérifier cette limite? A quoi bon dire « Ne fume pas, ne bois pas », alors que, dès que les parents auront le dos tourné, ils passeront à l’acte? » interroge Catherine Dumonteil-Kremer.

Une limite posée sans négociation, sans écoute des besoins des uns et des autres, n’a pas de sens pour l’adolescent. Il peut facilement l’interpréter comme une volonté de la part de ses parents de l’empêcher de vivre sa vie et d’être heureux. La réaction à laquelle on peut s’attendre est une transgression non assumée.

Je m’explique: Si le parent dit à son ado: « Je sais que les personnes que tu voudrais retrouver à cette soirée fument du shit. Je ne veux pas que tu fréquentes ces jeunes-là. Tu ne sors pas ce soir un point c’est tout. » il n’exprime pas clairement ses besoins, et n’écoute pas ceux de son ado. Des besoins non écoutés finissent par prendre toute la place. En l’occurrence, chez l’ado, le besoin de reconnaissance et le besoin de liberté ne sont pas pris en compte.

-Reconnaissance, parce que le fait de juger ses amis (« ces jeunes-là ») revient à le juger lui-même.

-Liberté, parce que l’empêcher de sortir représente une fermeture, un obstacle à ses choix.

Du moment que ses besoins ne sont pas reconnus et pris en compte par cette décision, l’adolescent risque de se sentir révolté, et plus la position de l’adulte se durcira, plus la rébellion et le désir de transgression de l’ado grandiront.

Et s’il sort du cadre posé par l’adulte, ce sera motivé par une réaction à l’interdiction. « Non mais ça va pas se passer comme ça. Puisque c’est comme ça… attends un peu que tout le monde dorme, et tu vas voir si je peux pas faire ma vie comme je l’entends. Et je vais bien me défouler. Tu l’auras voulu! »

C’est en cela que je parle de transgression non assumée: l’ado agit par vengeance et il rend l’adulte responsable de sa transgression.

Une eau vive contenue par un barrage va se ruer sur la moindre faille, et devenir furieuse et incontrôlable une fois sortie. De la même manière, un cadre posé sans l’assentiment d’un ado va propulser ce dernier en dehors du cadre d’une manière violente et incontrôlable.

Et si le cadre devient une prison hermétique, si par exemple je me relève la nuit pour vérifier que mon enfant est bien à la maison, je ferme à clé, je surveille ses SMS, etc… à ce moment-là, la violence ressentie par mon ado risque de se retourner contre lui-même.

Quand je pense aux conséquences que cela peut avoir de vouloir absolument contrôler la vie de mon ado, je préfère de loin lui faire confiance. Même si parfois cela n’est pas confortable.

 

  • Poser le cadre à partir du lien.

 

« Il faut par principe dire oui et discuter. L’adolescence est l’âge du lien » dit Catherine Dumonteil-Kremer.

Dire oui, cela signifie faire confiance à son enfant, et lui faire prendre conscience qu’il est responsable de ses choix.

Une eau qui circule sans barrage est calme et peut prendre le temps de choisir sa trajectoire en conscience.

Discuter permet d’écouter les besoins que l’ado cherche à satisfaire, et lui exprimer les nôtres.

Dans l’exemple cité plus haut, on pourrait se relier aux besoins de l’ado en le questionnant: « Dis-moi, ça représente quoi pour toi, cette soirée? Qu’est-ce que tu as envie de vivre en fait? », puis en exprimant ses propres sentiments et besoins: « Je sais que certains de tes amis ont pris l’habitude de fumer du shit. Je suis inquiète. Je tiens à toi et j’aimerais être rassurée que tu prends soin de toi. Est-ce que tu es prêt à prendre l’engagement de ne pas y toucher pendant cette soirée? »

-Il est possible que notre ado dise oui, et qu’ensuite il fasse le choix de ne pas respecter son engagement. Dans ce cas, il le fera non pas par révolte, mais suite à une délibération avec lui-même. En lien avec lui et avec la conscience de ses responsabilités.

-Il est possible aussi que notre ado dise non, et qu’il nous propose un autre moyen de nous rassurer.

-Et bien sûr, il est probable que notre ado dise oui, et qu’il respecte son engagement!

Dans tous les cas, notre responsabilité à nous, c’est de garder le lien avec lui, jour après jour, en écoutant ses besoins, et en lui exprimant les nôtres. Il est important aussi de mettre à sa disposition les informations qui l’aideront à faire ses choix en conscience.

Faire confiance et privilégier le lien contribue à ce que notre ado  fasse ses choix à partir de ses repères intérieurs, et à ce qu’il accepte d’en assumer les conséquences,  à ce qu’il se fasse davantage confiance, à ce qu’il accepte d’assumer lui-même le et à ce qu’il nous demande du soutien en cas de besoin.

Les adolescents sont tous différents, et l’âge est aussi un facteur important. C’est à chaque parent de sentir à quel moment le cadre est à faire passer en arrière plan par rapport au lien, en fonction de sa propre expérience, et de la relation qu’il vit avec son ado.

Si vous êtes parent d’ado, ou si vous êtes ado, n’hésitez pas à partager votre avis et votre expérience en commentaire!

Au plaisir,

La Fannette

2 Comments

  • Bonjour Fanny

    Ce message se veut être un remerciement profond pour tout ce que j’ai pu découvrir grâce à toi depuis février lors de votre premier atelier sur la communication bienveillante.

    Comment ne pas briser le lien ? Faire confiance malgré la force réelle du groupe sur une personnalité en construction !
    Garder le lien alors même qu’il y a un besoin de prendre de la distance ou une mise à l’écart de tout ce qui était les repères d’enfance ?

    j’ai l’impression d’un immense besoin de lâcher toute contrainte quelle soit scolaire, domestique, relationnelle.
    Tout lâcher mais sans en subir les inconvénients qui en résulteraient. Garder ou rechercher ce qui comble un besoin immédiat ou les envies ou les désirs. Tourné vers soi et tourner à soi.

    Être attentive et à l’écoute de leurs besoins dans ce contexte suppose de garder son sang froid et donc d’être dans de bonnes dispositions intérieures. D’avoir soi même un réservoir plein.

    C’est une période déstabilisante pour eux mais je crois surtout pour le parent car elle renvoie à ses propres limites, ses peurs, ses espérances, ses attentes, ses blessures, son propre vécu, l’éducation reçue et pose question sur ce qui est essentiel.

    c’est une période de reconstruction pour l’ado mais aussi du parent pour s’ajuster mutuellement.

    Démêler tout cela, dans le feu de l’action, avec le stress, le manque de temps.

    Voir en soi pour pouvoir voir en lui, s’écouter afin de pouvoir écouter suppose de réduire la vitesse de course, avoir ou prendre le temps.

    J’ai l’impression que de la même manière que le lien se tisse dans le temps il faut trouver le moyen d’avoir du temps pour soi pour eux.

    Ce temps d’échange ou d’écoute mutuelle, un temps pour se poser, poser les choses fait « le cadre », l’espace du possible mis en évidence, l’espace de la liberté responsabilisée

    j’ai l’impression que c’est ce manque de temps qui transforme les limites nécessaires mais posées dans l’urgence en cadre.

    l’image que tu as choisi illustre un peu ce que j’essaie de dire, l’ado en skate semble suivre la ligne noire, la limite est manifestée par la ligne mais il a de l’espace pour se mouvoir d’un côté ou l’autre de la ligne. limite n’est donc pas forcément synonyme de cadre.

    J’ai l’impression que le cadre enferme parce que ses contours sont brisés par les angles droits qui sont le manque de temps.
    Alors que la limite symbolisée par la ligne noire reste ouverte parce que sa longueur exprime le temps dont dispose l’ado pour prendre lui même du recul, elle symbolise le temps donné ou pris régulièrement avec l’ ado.

    Sa longueur exprime le temps qui passe mais malgré cela la limite reste valable si dans ce temps écoulé on a pris justement le temps de maintenir le lien, qui s’étend comme cette ligne noire et non pas brisée par l’urgence comme dans le cadre.

    Je ne sais pas si je me suis exprimée clairement mais voici ce dont tu m’as permis de prendre conscience.

    • Bonjour Perlenoire, merci pour ton commentaire, j’aime la manière dont tu prolonges la réflexion, les questions que tu te poses qui me relient au fait qu’en tant que parents nous traversons aussi une période instable, où la vulnérabilité n’est jamais loin. J’aime bien aussi la différence que tu fais entre le cadre et la limite, la limite qui comme tu l’analyses à partir de la photo, rejoint la notion de lien et de fil rouge.
      Ce que je contactes en te lisant c’est que pour moi l’adolescence des enfants est le moment de leur faire prendre conscience de l’impact de leurs décisions sur leur propre vie. Effectivement, ils aimeraient faire ce qu’ils veulent quand ils veulent, parfois sans avoir à en subir les conséquences. Pour moi notre rôle est de les aider à y voir clair sur leur responsabilité. Les aider à assumer leurs choix. Et c’est vrai que c’est un vrai challenge pour moi, car j’ai toujours une tendance « sauveuse » avec mes enfants!
      Bien des bises
      à bientôt

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