Face à un événement violent: quel est mon choix ?
Oui, j’ai le choix, je ne suis pas obligée d’agir, de réagir, de me battre, de dire quelque chose, de ne rien dire…
En tout cas, mon choix aura un impact, c’est pourquoi je pense qu’il vaut la peine d’examiner le panel qui s’offre à moi.
-Je me protège ?
« Je ne me sens pas concernée… ça ne me regarde pas… je ne veux pas en parler… »
Cette attitude présente le grand avantage qu’elle me permet, à court terme, de ne pas souffrir. Si je la choisis, je dois cependant être consciente que ce n’est pas parce que je ne la regarde pas que ma souffrance n’existe pas: un jour ou l’autre, elle jaillira, et je ne suis pas sûre, à ce moment-là, d’être en mesure de la gérer.
-Je me révolte ?
« ça ne devrait jamais arriver, tout ça, c’est la faute de….. et de…… »
Si je me révolte, c’est encore une manière de me protéger: j’érige, entre les auteurs des violences et moi-même, un mur infranchissable. Je fais partie des humains, ils font partie des monstres. Ce faisant, j’érige aussi à l’intérieur de moi un mur entre différentes parts de moi. Je risque aussi de générer de la violence, et donc de contribuer au contraire de ce que je voudrais. Le gros avantage pour mon ego, c’est que je peux me targuer d’être du bon côté. Les inconvénients se feront surtout ressentir dans mon être profond, qui souffrira sans doute de n’être pas accueilli pleinement.
-J’accueille ?
« Qu’est-ce que cela me fait de penser à ce qui est arrivé ? »
« Je me sens triste, effondrée, j’ai besoin de me relier à l’espoir que l’humain est capable de distiller paix et amour… »
« Je me sens impuissante… j’aimerais agir dans le sens de mes valeurs, mais je ne sais pas comment… »
En accueillant ce que je vis à l’intérieur, j’accepte de vivre pleinement ma tristesse, et de la traverser: car derrière cette tristesse et cette impuissance,il y a un besoin immense de contribuer, et c’est ce besoin qui va me permettre d’agir.
Bien ancrée dans ce besoin, je vais pouvoir faire le choix conscient d’actions qui soient en lien avec mes valeurs : par exemple, envoyer de l’amour, de la paix, prendre la résolution d’être dans le non-jugement le plus souvent possible… continuer à cultiver la joie, quoi qu’il arrive…
Souvent, face à la violence, nous passons par une phase de révolte ou de protection, avant de rejoindre l’acceptation, ce qui est, à mon avis, totalement normal et légitime. L’important est de ne pas stagner dans un état qui finira par nous nuire, et de se donner une chance de se poser dans l’accueil de ce qui est, et de ce qui vit en nous.
Lorsque j’étais adolescente et que j’étudiais la Shoah, je me souviens que ce qui avait été le plus choquant pour moi, cela avait été de prendre conscience qu’en tant qu’être humain, j’avais ce potentiel de faire souffrir des millions de personnes. Cela fut un gros travail d’acceptation pour moi, et cela n’en rendit par la suite que plus ferme ma résolution de contribuer au bien-être autour de moi. Aujourd’hui, cette prise de conscience et ce choix se ravivent: je connais mon potentiel, et je sais de quelle manière et au service de quelles valeurs j’ai envie de l’utiliser.
N’hésitez pas à laisser un commentaire sur votre cheminement face aux événements violents.
à bientôt,
La Fannette
Coucou Fanny-nette,
alors je vais ajouter que pour moi ce n’est pas à proprement parler une question de choix, mais plutôt d’étapes, je crois que mous passons par les phases que tu décris là, il ne faut pas avoir peur de nos pensées parce qu’elles ne sont pas elles, des actes.Nous ne pouvons accepter d’être cibles de violence parce que nous n’en sommes pas non plus auteurs.
Tu ne cites pas ces attentats, pour ma part j’éprouve un sentiment d’épargnée, d’autant plus que pour moi c’était pour un moment de bonheur, j’étais en visite à PARIS quelques jours auparavant, arrivant de province, j’étais étonnée de voir la police en faction et armée, ici, le plan vigipirate c’est le portail de l’école fermé à clef! je me rends compte que pour moi, c’était ça qui était vecteur de peur, voir les armes et pas l’idée que peut-être nous étions potentiellement menacés.
Ce qui je pense est essentiel pour moi mais qui n’est pas simple, c’est d’arriver en quelque sorte à matérialiser son ressenti comme si on le déposait devant soi afin d’en découvrir toutes les facettes.
Quel que soit la nature de l’évènement violent, en parler est aidant.
Bises,
Cécile
Merci Cécile pour les nuances et le témoignage que tu apportes. J’aime bien cette distance que tu évoques à la fin de ton commentaire, « arriver à matérialiser son ressenti comme si on le déposait devant soi afin d’en découvrir toutes les facettes », et j’adore ta manière de la mettre en image. Pour moi ça aussi c’est un choix: prendre de la distance par rapport à son ressenti, l’observer, plutôt que de le laisser nous envahir. C’est cela qui fera que nous serons maîtres de nos émotions et non pas leur esclave !
Bises
Bonjour Fanny,
je te lis, et je pense au suicide de mon frère en septembre. Pour moi, c’est un événement violent. C’était son dernier gros coup de gueule de sa vie. Mais, nous n’étions pas proche physiquement. Alors, je ne me permets pas vraiment d’exprimer quelque chose.
Il faut dire que ma vie est pas mal occupée. Mais, le soir, dans le silence de la nuit, je me surprends à angoisser. Dans mon cas, en fait, le soir me pousse à réaliser ce qui s’est passé.
tu as raison, il faut faire face aux événements. Malgré le fait que nous « minimisons » la douleur, malgré le fait que nous sommes occupés, tôt ou tard, on est amené de force à y faire face.
Mais, quand on se croit peut affecté, naturellement, on ne fait pas face à l’événement. Avec du recul, je réalise que c’est ma situation.
merci Fanny
Bonjour Agnès, merci pour ton témoignage, qui me touche. Si tu te protèges de ce que tu ressens, peut-être est-ce parce que tu crains d’ouvrir les vannes toute seule, et de te trouver dans une trop grande vulnérabilité.
Pour ouvrir un espace d’accueil, il peut être bon de se faire accompagner. Y as-tu songé?
Je t’envoie en tout cas mes pensées réconfortantes.
Fanny