être gentil? non, merci.
C’est vraiment très très bien d’être gentil. Ah oui. Tout le monde vous aime bien. Tout le monde vient vers vous, pour vous demander des tas de choses. C’est chouette.
On se sent utile.
Bon, c’est vrai, des fois, c’est fatigant. Quand par exemple, on interrompt son bain bien mérité d’après une semaine éreintante, pour que notre ado puisse prendre vite fait sa douche, pour aller chez sa pote voir tous les potes qui se retrouvent c’est un truc de ouf y’a tout le monde tu te rends pas compte j’y vais pas sans me laver et si je rate ce truc de ouf ma life est fichue c’est chaud j’ai trop envie d’y aller mes potes c’est ma vie, j’en ai pour deux minutes steuplé Maman j’t’adore, ou bien quand on va vite fait chercher le carnet de vaccinations que notre père a oublié chez lui dans le dernier tiroir de la commode qui est sous les papiers entassés tout derrière les cartons du dernier tri qu’on a fait ensemble pour lui amener vite fait à l’aéroport à Orly pour qu’il puisse décoller pour l’Afrique ça fait jamais que 4 heures de voiture aller 4 heures retour mais t’es géniale ma fille tu me rends un é-norme service, j’ai de la chance d’avoir une fille comme toi tu sais, ou bien quand on achète 100 kilos de pommes bios au gars du camion qui fait du porte à porte le pauvre il a rien vendu depuis ce matin, mais vous comprenez moi j’aime pas les pommes tant que ça, mais lui, le gars du camion, il nous sort son chapitre sur la société de consommation, les pommes traitées de chez Carrouf, hein? vous voulez pas être complice ce ça Madame, on le voit bien que vous, c’est pas pareil, vous, vous êtes quelqu’un de bien, vous alors, heureusement qu’il y a des gens comme vous qui ont une conscience parce qu’alors les gens sont vraiment cons, et vous voulez un stylo pour le chèque, cherchez pas j’en ai un, ça fait 320 euros vraiment vous êtes une femme bien vous alors Madame…
Voui. On est une femme bien heureusement que vous êtes là vous au moins, on est la meilleure des mamans je t’aime salut à toute, on est une brave fille ça fait du bien de pouvoir compter sur toi oh là là…
Sauf que non.
Au bout d’un moment, la barre de l’exigence monte, monte encore, et tout à coup, on n’est plus du tout à la hauteur…
parce qu’on est en train d’acheter le goûter préféré de notre petit dernier à la boulangerie pendant que notre premier voudrait qu’on le rappelle pour lui donner le numéro de téléphone du coiffeur, et qu’on pense à notre pauvre chien qui est resté à la maison toute la journée sans faire pipi parce que notre fille n’est pas rentrée à midi (elle était chez sa pote de ouf) pour le promener.
Et quand on n’est plus à la hauteur, c’est la chute, la chute de ouf.
Et ça fait mal, très mal.
Parce que tout ce qu’on a fait, pour mériter ce titre de « gentil(le) », on l’a fait parce qu’on avait peur de ne pas être aimé(e). On avait besoin de reconnaissance.
Et quand on arrive à la maison et qu’on entend brailler:
-Pourquoi il est tout écrasé mon goûter ? Bouh, moi j’en veux un pas écrasééééé!
-C’est quoi l’odeur de ouf, là ? Ah, c’est le chien, d’ailleurs t’a marché dedans, ah, t’approche pas !
Et que notre téléphone nous braille un cinquantième sms:
stp le n du koifeur sa urge
Là, notre besoin de reconnaissance n’est pas du tout, du tout, du tout satisfait. On a envie de hurler que quand même, après tout ce qu’on fait pour les autres, quand même, on mériterait un peu plus de « mercis »…
On a envie d’envoyer bouler tout le monde, et de se mettre à pleurer toutes les larmes de son corps. Et on en veut à tous ceux à qui l’on a dit « oui ». Et à ce moment-là, ils ont le culot de nous dire:
-Mais je t’ai pas obligé(e) à me rendre service. Tu l’as fait, parce que tu l’as voulu. Je te dois rien, moi.
Et le pire, le pire de ouf, c’est qu’ils ont raison.
Si je ne me respecte pas lorsque je dis « oui »,
c’est ma responsabilité.
Si je ne me respecte pas lorsque je dis « oui »,
voici les risques que je prends:
- Épuiser mes réserves d’énergie et d’allant.
- Demander aux autres d’assumer la responsabilité de mes besoins insatisfaits, et bien sûr, de les satisfaire (après l’exigence envers moi-même, je me retrouve dans l’exigence envers les autres: puisque je fais ça pour toi, tu peux bien faire ça pour moi).
- En vouloir à mes proches.
- M’aigrir.
- Au bout d’un moment, déprimer, et verser dans le burn-out.
Vous me direz, mais alors, quand est-ce qu’on prend soin de ceux qu’on aime?
Quand est-ce qu’on se rend utile, quand est-ce qu’on fait preuve de générosité, d’altruisme?
Pour moi, la réponse est simple:
Quand ça vient du cœur. Quand ça nous donne de la joie, et qu’on le fait par plaisir. Quand on trouve un arrangement qui nous satisfait.
Par exemple, j’ai prévu de ranger et de faire du ménage. Ma fille me demande d’aller chercher sa pote. Je sens que ça ne joue pas: je n’ai pas envie de me dépêcher d’aller chercher sa copine et de faire le ménage à la va-vite. Elle me propose de faire le ménage pendant que je vais chercher sa pote. Je sens tout de suite que ça se détend à l’intérieur: ça me va. Je me sens soutenue dans mon élan à rendre service.
Si je choisis de donner à partir de mon élan intérieur,
voici les conséquences:
- Je suis vraie, authentique.
- Je donne à mon entourage de vrais repères sur mes limites et sur mes besoins.
- Je permets à mon entourage de me respecter.
- Je ressens pleinement le plaisir de donner de mon temps et de mon énergie à partir de mon cœur.
- Je reste dans l’amour avec moi, et avec mon entourage.
Voilà ce que j’avais envie de partager avec vous aujourd’hui…
et encore deux petites choses, si vous voulez aller plus loin:
-vous pouvez relire ou lire « comment dire non, pourquoi dire non, en 6 questions »
-vous pouvez lire le livre de Thomas D’Ansembourg,
Cessez d’être gentil, soyez vrai
Si cet article vous a parlé, n’hésitez pas à laisser un commentaire !
A bientôt,
La Fannette